PIANOS ESTHER

La plus ancienne maison de pianos de Wallonie

 


Henri Herz

Manufacture de pianos fondée à Paris




Qui connait aujourd'hui Henri Herz ? Né à Vienne en 1800 dans une famille juive, il s'intègre complètement à la nation française et meurt à Paris le 6 janvier 1888. Pianiste virtuose, pianiste compositeur et facteur renommé de pianos, "le temps a même effacé l'inscription de sa pierre tombale au cimetière du Père-Lachaise" comme le constate Laure Schnapper dans l'introduction de son ouvrage consacré à Henri Herz, magnat du piano - La vie musicale en France au XIXe siècle (1815-1870).




 
L'ouvrage de Laure Schnapper (2011, éditions EHESS, Paris), en suivant les pérégrinations d'Henri Herz,
fait accéder à un survol de la vie musicale en France particulièrement riche et renouvelé.



 
Henri Herz (1803-1888).
Lithographie de Henri Grévedon, 1837.
Source gallica.bnf.fr (Bibliothèque nationale de France).



Henri Herz jouit au cours du XIXème siècle d'une renommée exceptionnelle. Oscar Comettant, critique musical patenté de cette époque, porte haut sa notoriété qui "non seulement en France, mais dans le monde entier, et jusqu'en Cochinchine, est un fait peut-être unique dans les annales du piano".

Virtuose du piano porté aux nues par le public, Henri Herz est également le compositeur de 224 opus. Il est un adepte des variations dont les célèbres variations sur La Violette (opus 48, 1829) qui se seraient vendues alors en France à plus de 200 000 exemplaires. Mais il est aussi un facteur de pianos : 31 000 instruments porteront son nom.

Henri Herz eut une longévité artistique étonnante ; il traversa le XIXème siècle, des quartiers juifs de Coblence et de Francfort-sur-le-Main aux beaux quartiers bourgeois de Paris, en s'adaptant à la Restauration, à la monarchie de Juillet, à la IIème République, au Second Empire et enfin à la IIIème République. Tout cela en veillant à ses intérêts : immigré à 13 ans à Paris, il cherche avec sa famille, comme de nombreux Rhénans qui ont vécu sous l'Empire de Napoléon, la liberté et la reconnaissance dans la patrie des droits de l'homme ; il devint notable, riche, obtint la grande naturalisation et son patrimoine à sa mort revêla une très confortable aisance.

Tout au long de sa vie, Henri Herz fut lié à la facture des pianos. C'est sous cet angle de sa vie que nous décrivons ici son activité de facteur de pianos.

Le père de Henri Herz aurait peut-être ouvert un petit atelier de fabrication de pianos à l'arrivée de la famille à Paris (vers 1816). Ce petit atelier aurait peut-être poursuivi sa route en petite fabrique avec un des frères de Henri Herz, Jacques. Quoiqu'il en soit, Henri Herz, devenu virtuose, compositeur et professeur renommé, s'associe en 1827 avec Henri Klepfer de la maison de pianos lyonnaise Klepfer-Dufau dont il connaissait les pianos. L'entreprise Herz-Klepfer n'eut pas de succès et ferma ses portes en 1829.

Peu de temps après, Henri Herz fonde sa propre entreprise et développe ses propres pianos. Parmi de nombreuses inventions et brevets, il modifie notamment le système de la mécanique à répétition d'Erard en déplaçant le resort vers le milieu du balancier, ce qui explique que le système de la mécanique à répétition d'Erard, utilisée aujourd'hui universellement dans les pianos à queue, s'appelle parfois "mécanique Erard-Herz" (brevet n°15 532 du 26 octobre 1843).




Mécanique de piano à queue Erard avec le ressort Herz.
La mécanique de piano à queue élaborée par Sébastien Erard dès 1795 est perfectionnée sans cesse
pour atteindre son meilleur rendement avec les brevets de 1816 et de 1822 (Pierre Erard). Henri Herz lui apportera une modification en 1843.
Extrait de JUNGHANNS, Herbert, Der Piano- und Flügelbau, Verlag Das Musikinstrument, Frankfurt am Main, 1971, p. 231.


Les pianos qui sortent alors de la fabrique Herz améliorent sans cesse leur qualité de toucher et de sonorité. Ils sont honorés de multiples distinctions. Henri Herz les promeut auprès de ses élèves et par ses concerts. En 1848, l'ouverture de la salle Herz, la première salle de concert ouverte à Paris, participe grandement à la notoriété de ses pianos. Lors de son long voyage dans le Nouveau-Monde (Etats-Unis, Mexique, Chili, Cuba — 1846-1851) au cours duquel Henri Herz donne plus de 200 concerts, il s'occupe activement de vendre des pianos provenant de sa fabrique. Il reviendra des Etats-Unis en 1851 avec plusieurs centaines de milliers de francs de l'époque (un piano à queue grand modèle coûtait 4 000 francs). A cette date, les Etats-Unis n'auraient compté que moins de 3 000 pianos. La fabrique de Chickering à Boston est la principale (Steinweg, venu d'Allemagne, ne débarque à New-York qu'en 1853 en américanisant son nom en Steinway).

Vers le milieu du XIXème siècle, les pianos Herz se situent à la 3ème ou 4ème place, après Pleyel, Erard et Pape. La fabrique emploie en 1845 une soixantaine d'ouvriers et produit environ 400 pianos par an.

À son retour des Etats-Unis d'Amérique à Paris (1851), Henri Herz consacre de plus en plus son activité à la fabrication des pianos. Il engage Paureau comme chef d'atelier (contremaître) : c'est un ancien associé de la maison Ruch. Ces deux noms (Paureau / Ruch) reviendront dans l'histoire des pianos Herz 80 ans plus tard, en 1931.

L'Exposition universelle de Paris en 1855 consacre la firme Herz qui obtient la médaille d'honneur — la plus haute distinction — aux côtés de Pleyel et d'Erard. Ces trois fabriques participeront à l'Exposition de 1867 "hors concours". En 1862, on pourra lire sous le plume de Fétis : "Le monde musical n'a point oublié l'émotion produite à l'Exposition universelle de 1855 par un grand piano de Henri Herz, qui, à l'unanimité des suffrages des membres du jury, fut déclaré le meilleur instrument de cette exposition.



Copie de la médaille d'honneur obtenue par Henri Herz à l'occasion de la première exposition universelle organisée en France, en 1855,
qui était insérée dans le couvercle d'un piano de la manufacture éponyme.




Nouveaux pianos de la maison Henri Herz présentés dans L'illustration, Journal universel, du 9 janvier 1864, p.32.
Collection Carl Esther.


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En 1863, le neveu d'Henri Herz, Philippe-Henri, fils de Charles Herz qui avait aidé son frère lorsqu'il était aux Etats-Unis, fonde une fabrique au n°4, rue Clary, qui prend pour dénomination Philippe-Henri Herz, neveu et compagnie. Cela se fait en débauchant de la fabrique Henri Herz le contremaître Marcus Knust et amène des démêlés familiaux.




Publicité de la manufacture de pianos Philippe Henri Herz, Neveu & Cie, vers 1875.
Collection Carl Esther.



Grand modèle de concert Philippe Herz Neveu & Cie.
Extrait du catalogue Manufacture de pianos - Philippe Herz Neveu & Cie - Maison fondée en 1863, 1879.
Collection Carl Esther.



Vue des magasins de vente de la fabrique de pianos Philippe Henri Herz Neveu & Cie, c. 1910.


La manufacture de pianos de Philippe Henri Herz est complètement indépendante de celle de son célèbre oncle Henri Herz. Les pianos qui en sortiront seront de très bonne facture et typique de l'époque. Un bel exemple de cette production est le grand piano à queue qu'on peut voir au château de Modave (province de Liège).




Piano à queue Philippe Henri Herz, Neveu & Cie.
Visible dans La Galerie ou Salon Louis XIV du Château de Modave.
www.modave-castle.be


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En 1865, Henri Herz, quant à lui, achète un vaste terrain en dehors de Paris à Clichy-la-Garenne, où il installe sa manufacture de pianos qui aura aussi une nouvelle annexe rue de Saussure. L'entreprise est à son sommet. En 1885, la salle de concert Herz, inaugurée 47 ans auparavant, est fermée par mesure de sécurité. Henri Herz décède en 1888. Sa propre fabrique aura produit 31 000 pianos.




 
Double encart publicitaire de la manufacture de pianos Henri Herz, c. 1888.
Collection Carl Esther.




En-tête de facture de la succursale bruxelloise de la manufacture de pianos Henri Herz, 1888.
Collection Carl Esther.



Après le décès de Henri Herz, la firme quittera son implantation centrale de la rue de la Victoire suite à la vente du terrain par sa veuve. Peu après, en 1891, la société Henri Herz sera vendue par sa veuve à la société Amédée Thibout et Cie. Amédée Thibout est un facteur de pianos qui a fondé son entreprise en 1840 après avoir travaillé chez Mussard et chez Pape.





Publicité de la manufacture de pianos Amédée Thibout & Cie, c. 1875.
Collection Carl Esther.




Médaille Amédée Thibout & Cie, c. 1880.
Collection Carl Esther.



La firme fut dirigée après sa mort en 1877 par son fils et sa veuve sous la dénomination Amédée Thibout et Compagnie. C'est sous cette dénomination qu'un immeuble situé au n°27, rue des Petis-Hôtels abrita le nouveau magasin et les bureaux de la manufacture de pianos Henri Herz. Celle-ci continua, après la reprise par A. Thibout et Cie, de produire des instruments de qualité avec, à la demande, des meubles de grande qualité qui vont jusqu'à doubler le prix du piano. C'est également sous cette direction qu'une nouvelle salle Herz est bâtie.





Magasin et bureaux de la Manufacture de pianos Henri Herz au 27, rue des Petits-Hôtels à Paris, c. 1905.
Extrait du catalogue Henri Herz - Paris, 1905.
Collection Carl Esther.



  
Modèles spéciaux de Carabin et de Belville.
Extraits du catalogue Henri Herz - Paris, 1905.
Collection Carl Esther.



En 1930, la firme Paureau-Ruch (en relation avec Henri Herz en 1851) reprend la société A. Thibout et Cie. Des pianos porteront la marque Henri Herz bien après la mort du fondateur car pour A. Thibout et Paureau-Ruch, le nom Henri Herz avait gardé la meilleure notoriété. Un dépôt de pianos Herz à Bruxelles, boulevard Anspach, restera longtemps mentionné. Mais Herz finit par disparaître. L'épitaphe pourrait reprendre la lettre du 25 avril 1844 de Henrich Heine : "La renommée éphémère des virtuoses [ajoutons des compositeurs oubliés et des facteurs de pianos sans descendance] s'évapore misérablement, sans laisser de trace ni d'écho, comme le hennissement d'un chameau qui traverse les sables du désert."





En-tête de facture de la manufacture de pianos Henri Herz, 1936.
Collection Carl Esther.




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